Comment assurer l’approvisionnement des cantines en produits bio locaux?

Une solution possible: la création d’une régie communale agricole (syndicat communal), un exemple français

Au Luxembourg comme en France, une volonté politique est à l’œuvre pour intégrer un pourcentage important de produits bio mais aussi régionaux dans les menus des cantines scolaires. Il s’agit en France de la loi EGAlim (la loi pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et une alimentation saine et durable, définitivement votée le 2 octobre 2018 à l’Assemblée nationale française). Cette loi prévoit entre autres un approvisionnement à 50% issu de la production locale, dont 20% issus de l’agriculture biologique. Au Luxembourg, la plateforme «Supply4Future» a été lancée en mai 2023. Il s’agit d’une plateforme numérique servant à la commande de produits alimentaire pour le prestataire Restopolis, acteur-clé de la restauration hors-domicile au Grand-Duché. Cette plateforme permet de maximiser l’utilisation de produits bio-locaux et locaux dans la restauration scolaire. La plateforme favorise l’accès des producteurs aux marchés publics de la restauration, dont les critères d’attribution sont basés prioritairement sur la distance et la production biologique.

L’objectif de ces leviers d’action politique est de sécuriser les débouchés et les marges des agriculteurs bio locaux, tout en fournissant une alimentation locale de haute qualité pour les élèves.

Ces décisions politiques conduisent à une augmentation de la demande en produits biologiques-locaux. Toutefois, l’offre est, selon les territoires concernés, incomplète ou pratiquement inexistante sur certains produits. Pour d’autres produits, elle est excédentaire. D’autre part, sur certains territoires, les cantines scolaires ne sont pas nécessairement des débouchés intéressants pour les maraichers locaux, en raison de la fluctuation de la demande ou du nombre restreint de repas à servir.

Afin de combler la différence entre la demande sociétale et le manque de certains produits sur le territoire, une solution envisageable est déjà expérimentée sur certaines communes françaises : la création d’une régie communale agricole (= syndicat intercommunal), sur le modèle déjà existant pour l’assainissement ou l’approvisionnement en eau. Plusieurs cas de figure sont possibles :

  • Cette régie communale (re)prend en charge la gestion de la cantine directement, au lieu de la déléguer à un prestataire privé. La cantine peut ainsi plus facilement passer commande directement à des maraichers et autres producteurs locaux. Commune et producteurs sont en échange constant pour adapter leurs pratiques. C’est le cas de la commune de Grande-Synthe (département du Nord), une ville touchée à 23% par le chômage. Elle travaille directement avec 5 maraichers à leur compte dont elle a aidé l’installation sur des terrains communaux pour fournir la cantine. D’autres initiatives pour que la population ait accès à une meilleure alimentation ont vu le jour en parallèle : achats groupés de produits locaux bio pour obtenir un meilleur prix, développement de jardins en pieds d’immeuble, micro-ferme urbaine pour la formation au jardinage (https://www.ville-grande-synthe.fr/ , magazine mars 2024 p.18)
  • La régie communale embauche un ou plusieurs maraichers directement, qui travaillent sur des terrains achetés ou loués par la commune. La petite taille de ces terrains évite une concurrence avec d’autres porteurs de projets agricoles du territoire. C’est le cas de la commune pionnière de Mouans-Sartoux (Alpes de Hautes-Provence – https://www.mouans-sartoux.net/alimentation-durable/projet-alimentaire/la-regie-agricole.html). Elle souhaitait faire passer l’alimentation à 100% en bio en 2009. Toutefois, le nombre de producteurs maraichers locaux bio était largement insuffisant sur le territoire pour couvrir les besoins. La commune a préempté un domaine agricole en 2005, pour éviter qu’il ne soit destiné à de la construction. La régie agricole communale a embauché ensuite un maraicher « communal » qui gère maintenant avec une équipe 6 hectares de culture pour produire 25 tonnes de végétaux en bio pour les 1000 repas que prépare la cantine chaque jour. Cela couvre 85% des besoins. D’autres communes se sont inspirées de cette municipalité précurseur comme c’est le cas en Gironde à Cussac- Fort Médoc, qui a créé sa régie communale agricole en 2018, ou de la ville de Vannes (Bretagne) qui a créé la sienne en 2019 pour couvrir les besoins des crèches.

Ce système permet d’augmenter significativement le pourcentage d’aliments bio locaux dans les assiettes des enfants. Il a un coût supplémentaire qui est pris en charge par la commune (Grande-Synthe). Dans d’autres cas, le surcoût de départ est compensé par un travail important réalisé autour du gaspillage. Les enfants sont sensibilisés à de nouveaux goûts, et les responsables des cantines observent le déroulement des repas pour mieux comprendre quels types d’aliments plébiscitent les enfants. Les portions sont adaptées.

Ce système permet de soutenir l’embauche de maraichers, soit en les aidant à s’installer à leur compte, soit en les embauchant directement par la régie communale agricole et augmente la souveraineté alimentaire d’un territoire donné. Il nécessite toutefois une phase d’adaptation des acteurs concernés qu’il ne faut pas négliger. Un accompagnement par l’agenda 21, le réseau des AMAP ou la fédération des agriculteurs bio au niveau local ont été des appuis indispensables pour soutenir les communes dans leurs démarches. (Qui pourrait être cet acteur au Luxembourg ?)

© Photo: Mairie de Mouans-Sartoux

 

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